Les entreprises au coeur de l'ecologie

Tristan Lecomte, PdG d'Alter Eco, nous parle de ses produits écologiques

voir la première partie de l'entretien : entreprendre pour le commerce équitable.

Pour revenir à votre cœur d’activité, 66% de vos produits sont certifiés bio, est-ce un choix ?

Oui, et les 33% restants sont en « transition bio ». C'est-à-dire qu un producteur attend 2 ans de contrôles internes et procédures avant d’acquérir le label. Cette période est très difficile pour eux car au début leurs rendements baissent et ils ne touchent pas encore la "surprime" liée aux produits bio. Notre priorité est de les aider, c’est un engagement à la fois écologique et de développement de notre part.

Un seul produit n’est ni bio, ni en transition : le cacao du Ghana car il y a une loi au Ghana qui impose les pesticides car le cacao est la 1ère ressource du pays et ils veulent éviter une catastrophe.

D’autres produits techniques ne sont pas certifiés bio pour l’instant, bien qu’ils soient naturels : les produits d’hygiène. Ils ont 95% d’éléments naturels, dont 50% au moins proviennent du commerce équitable.
Le problème c’est que plus on met d’ingrédients naturels dans les formules liquides et plus tu dois mettre des conservateurs qui tiennent la route. On a utilisé des parabènes qui sont décriés en ce moment. Et même si ce sont l’un des moins mauvais conservateurs connus à l’heure actuelle (il y en a dans des produits préconisés par les dermatos) on n’est pas satisfait car c’est un produit de synthèse. Notre objectif est d’avoir le maximum d’ingrédients d’origine naturelle et on est en train d’essayer de nouvelles formules pour y arriver.

En dehors de l’aspect bio, on ne fait pas de sur-packaging, on calcule au plus juste. Il n’y a pas de fenêtre plastique collée sur le carton pour faciliter le recyclage. Pour les thés on nous a reproché d’avoir un polypropylène à l’intérieur, et un à l’extérieur. Malheureusement c’est pour le moment obligatoire pour en assurer la conservation.

Qui est le « on » ?

Les consommateurs, qui sont très vigilants et veulent une qualité totale.
Sinon pour les cotons, on utilise des emballages en coton de maïs, les tiges de cotons tiges sont en carton recyclé, etc.

Donc, en plus de diffuser une majorité de produits écologiques vous faites des efforts supplémentaires pour que votre activité soit respectueuse de l’environnement ?

Oui, c’est indissociable de notre activité. En 2005 on avait commencé à neutraliser nos émissions de carbone en créant un puit de carbone au Brésil avec un organisme avec lequel on travaille dont objectif est la reforestation (APA : Association de Producteurs Alternatifs.). Ils sont dans le Rondônia à l’extrémité ouest du pays, c’est un des états d’Amazonie où la déforestation est la plus importante. Il n’y reste plus que 40% de la couverture forestière (les chiffres officiels disent 60% mais la réalité est plutôt 40%). C’est un paysage qui fait mal, tu te dis que tu vas en Amazonie et tu ne vois que des prairies et des vaches… (cf. ici une image satellite d'une partie de l'Amazonie).

Cette déforestation extensive pour des cultures non adaptées à cette région tropicale conduit à de grosses pertes en terme de biodiversité, captation de C0² et de sédiments dans les sols, etc.… APA, de son côté, met en place des cultures de consortium, et des cultures alternées qui s’adaptent à l’environnement local et le préservent.
Depuis le début de notre partenariat, ils ont planté plus de 2 millions d’arbres, dont 2000 pour AlterEco en 2005. Ils sont maintenant sur un plan à 5 millions d’arbres…

Comment avez-vous calculé vos émissions carbone ?

Sur www.carbonenaturel.com.
Au début on faisait ça de manière artisanale car on n’avait pensé qu’à nos billets d’avions, même si on sait que les plantes ne vont pas capter le C0² qui est planté en l’air, mais c’est très utile quand même.
Tout le monde peut faire ça, avec APA cela ne coûte que 30centimes de planter un arbre…
Pour 2006 on a mis en place un système plus important avec les tableaux de l’Ademe. On neutralise les containers, les billets d’avions, les trajets des commerciaux en France, les livraisons en magasin, les cartons d’emballages… Cela fait 7500 arbres que l’on a arrondit à 10000.

N’est-il pas intéressant d’informer les consommateurs sur les coûts environnementaux des produits, et ce que vous faites pour y pallier ?

Si, d’ailleurs sur nos produits on va essayer de sensibiliser davantage sur ce point. Actuellement il y a l’alterecomètre, indicateur du commerce équitable, qui donne des indications sur les prix que l’on paye en plus aux producteurs. On va maintenant rajouter l’impact environnemental et comment on neutralise.
C’est purement de la sensibilisation.

Vous occupez-vous des produits une fois consommés ?

Comme tout le monde on paye la taxe d’éco-emballage. On ne fait pas d’éco-conception car quand on a vu des cabinets d’éco-conception qui nous ont dit qu’il n’y avait pas grand-chose à changer pour nos produits.
Nos produits sont en cartons recyclables, ou en feuille de palme. On vérifie ça !
Pour les cosmétiques on a pas mal de plastiques, c’est un problème, mais ce sont des emballages dits « non polluants » car le même plastique est utilisé pour le bouchon et l’étui, tout est recyclable.

Tous ces efforts écologiques c’est : par conscience écologique ? car les clients le demandent ? car c’est stratégiquement important pour la société ? car Max Havelaar l’encourage ?

C’est un peu de tout. Vous avez vu notre rapport d’activité et nos critères d’audit. La plus haute note de notre activité est environnementale car on fait beaucoup d’efforts et car l’impact des producteurs est quasi nul (production biologique). Nos produits sont transportés en container (par bateau) ce qui est beaucoup moins polluant qu’un simple billet d’avion.
Vanaanda Sheeva, dans son livre, indique bien que c’est l’agriculture industrielle qui est très douteuse.Les produits Alter Eco en sont loins.

On se disait que le petit producteur n’a pas assez de poids pour changer les choses. Mais grâce à une entreprise comme la vôtre, associé aux autres, il a un impact à grande échelle. Si l’on consommait tous des produits issus du commerce équitable, on ferait des économies environnementales énormes ?

Oui, tout-à-fait. Mais on ferait aussi des économies d’argent à terme. On dit que les produits industriels ne sont pas chers. Mais si tu réintègres le coût environnemental et social (que l’on appelle le coût intégral) alors c’est en fait très cher.
Par exemple le blé français coûte soi-disant peu cher, mais après tu retrouves des tonnes d’algues à nettoyer en Bretagne, et des agriculteurs avec des cancers de la peau. Cela a un coût énorme !
La révolution verte en Inde, aussi, on dit que c’est un progrès, mais pas forcément si on regarde le coût intégral et que l’on réintègre les coûts externes.

De plus le petit producteur, par sa production biologique, utilise moins d’eau, préserve l’habitat naturel et la biodiversité, cela a un prix.

Il reste bien sur le transport, mais on ne produit pas de café en Europe.
Alors l’analyse ultime est de dire « j’achète local et je prend de la chicorée et pas du café ». Je respecte totalement cette analyse oui. Mais dans le cadre de la consommation actuelle c’est clair que nos produits ont un impact bien moins négatifs que les produits industriels.

Finalement, le problème c’est que l’on ne sait pas tout cela ?

C’est vrai, et il y a en plus un lobbying fort de l’agro business incitant à utiliser des pesticides et des engrais chimiques. C’est pareil pour les OGM maintenant.

Pourtant, la méthode SRI, par exemple, développée par le programme des Nations Unies pour le développement, testée à Madagascar et dans d’autres pays tropicaux a prouvé que l’on pouvait cultiver bio et avoir des rendements. Cette méthode ne considère plus le riz comme une plante aquacole, on ne replante au bout de 15 jours mais tous les 7 jours et non pas par touffe mais par brin, enfin on plante sur des terrains humides et non plus inondés. On arrive à des rendements 10 fois supérieurs. Allons on ne fait qu’une culture annuelle au lieu de 2, mais la productivité reste supérieure, et en plus on utilise moins d’eau.

En fait quand tu y penses c’est « normal » que la Recherche a toujours été orientée vers des produits chimiques car une boite va financer des chercheurs qui vont développer des processus qui va encourager ses produits. Et non pas des processus naturels, car pour l’entreprise cela n’aurait aucune valeur économique. D’ailleurs si t’es dans une boite et que tu dis « j’ai trouvé un moyen de cultiver sans produits chimiques » ça va intéresser personne.

Un autre exemple c’est l’énergie en France. Je ne veux pas être dogmatique, mais comment ça se fait que 99% du budget de la recherche va vers le nucléaire ? Les éoliennes, le soleil ça ne nous intéresse pas car il n’y a pas de grands groupes industriels derrière.

C’est là que tu vois que le système est biaisé. Il faut effectivement que des entreprises Cœur Vert se développent pour pouvoir changer les choses petit à petit et montrer que des modèles économiques verts existent.
D’ailleurs grâce au développement durable on se rend compte maintenant que oui on peut faire des systèmes alternatifs et créer des richesses. En ce sens votre projet est intéressant.

SI on avait consacré ne serait-ce que 10% du budget dans des systèmes alternatifs on aurait trouvé des choses incroyables !
Souvent on dit que les panneaux solaires sont trop chers, mais combien a-t-on investit pour réduire les coûts ? Quand tu vois l’évolution des ordinateurs… Si on avait investit autant dans des systèmes naturels… Alors bien sur il faut qu’ils aient une valeur économique. C’est ça la clé !

En Inde, avec la révolution verte, 180000 espèces de riz ont disparu et on s’est consacré sur une espèce en particulier : le riz basmati car il a de gros rendements. Mais tu perds du goût, de la biodiversité. En plus il a du mal à pousser dans certaines région où il est mal adapté. Du coup l’espace naturel est modifié.

Alors que l’on sait produire bio et faire du volume ! Au cours de votre tour du monde si vous allez voir nos petits producteurs vous en serez convaincus. Ils ont acquis des réflexes naturels qui avaient été perdus (le paillage, la manière d’organiser les rigoles, l’espacement, …). C’est d’autant plus vrai avec l’agriculture tropicale car si tu rases une forêt pour faire un champ au milieu celui-ci devient une super cible pour les nuisibles (sauterelles, etc.…), et avec les pluies diluviennes tous les nutriments du sols disparaissent en 1 ou 2 ans.

Au Brésil, par exemple, la politique, en lien avec le lobby de l’agrochimie, dit aux petits producteurs « l’avenir c’est les grands champs, regardez en Europe, il faut faire pareil. » C’est une ineptie totale, et APA vous en parlera, ils poussent les paysans à profiter de l’habitat naturel.

Il y a donc beaucoup de fausses idées reçues ?

Oui, autant d’un point de vue économique qu’écologique. En France aussi. On se rend compte par exemple que labourer un champ ce n’est pas bon et qu’il vaut mieux le semi direct qui nécessite moins de matériel, les rendement sont meilleurs à terme et le sol continue à vivre. Alors que si tu laboures tu perturbes les éléments aérobies et anaérobies (le ver de terre qui n’a pas besoin d’air va mourir, les éléments qui ont besoin d’air se retrouvent retournés sous terre, etc.).

Est-ce que vous envisagez d’élargir votre gamme de produits bers des produits et services purement écologiques ?

Des voyages en coopératives par exemple ? Pourquoi pas oui. Mais déjà il faut que l’on maîtrise bien notre sujet. On est une petite boite, il faut que l’on reste humble car on est dans un secteur très concurrentiel et l’on ne peut pas se permettre de trop s’éparpiller pour l’instant.

En conclusion que pensez-vous des initiatives Cœur Vert que l’on défend ?

Vous avez raison d’explorer ce thème. On est dans une sorte de nouvelle révolution qui doit enlever de la matérialité et ajouter du service. Le passage du secondaire au tertiaire n’est pas encore fini. Pour moi, plus que de décroissance je parlerais plutôt d’un déplacement vers le tertiaire en créant plus de services et moins de matérialité.
C’est le covoiturage.
On utilise une perceuse en moyenne 7 minutes par an. Il ne sert à rien que l’on en possède tous une. Il vaut mieux mutualiser, créer des sociétés de location de perceuses.
Au final c’est plus durable et cela crée sûrement plus de valeur.




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