Tristan Lecomte, 34 ans, français. Il a fondé en 1998 Alter Eco. Défendant une vision pragmatique de ses idéaux, il allie entreprenariat social et écologie.
Dans son ancienne vie, Tristan Lecomte était auditeur pour l’Oréal en Corée du
Sud. Mais déjà lorsqu’il étudiait à HEC, il voulait « être utile » et avait fondé l’association
France-Népal. Et un jour c’est le grand pas,son métier de contrôleur de gestion
ne lui convenant pas, il rentre à Paris
et ouvre sa première
boutique de commerce équitable.
Tenace, il lui aura fallu l’être puisque ce n’est qu’à sa 3ème tentative et après
avoir dû vendre son appartement, qu’il trouve le bon modèle : la distribution
de produits équitables
en grandes surfaces " On a compris qu'il fallait utiliser le marché pour
développer les produits issus du commerce équitable. 90%
des produits étant vendus en grande distribution, si tu ne vends pas dans
ce circuit là, tu n'as pas de débouchés".
Si Tristan
Lecomte est fier du chiffre d’affaires
d’Alter
Eco, c’est parce que c’est autant d’argent reversé aux producteurs du Sud. C’est
de là qu’il tire sa motivation. « Mon truc à moi ce n’est ni les décapotables,
ni les gourmettes en or ».
« On est toujours l’Abbé Pierre de quelqu’un et le Bernard Tapie de quelqu’un d’autre »
Tristan Lecomte revendique sa différence en tant qu’entrepreneur et acteur du commerce équitable. « On est toujours l’Abbé Pierre de quelqu’un et le Bernard Tapie de quelqu’un d’autre ». Il réfute tout vision dichotomique du monde qui opposerait entreprises et ONG, petits producteurs et grande distribution, Nord et Sud…et ne veut pas être étiqueté associatif ou business. Sa démarche est claire : il ne veut pas révolutionner le système économique mais l’utiliser pour créer de la richesse qui soit reversée aux producteurs du Sud . Intarissable sur les aberrations de l’agro-industrie, il défend avec conviction des méthodes de culture alternatives, respectueuses de l’environnement. Donnant des cours à HEC sur le commerce international, ayant écrit deux livres à ce sujet, Tristan Lecomte est très à l’aise dans cet exercice.
Démontrant aisément que son coeur de métier est écologique, 66% de ses produits
sont certifiés bio, et les 33% restants sont en « transition bio » afin de pouvoir
satisfaire ensuite les contrôles internes, Tristan Lecomte est très fier de ses
produits bio, dont il est entouré dans son bureau, entre un drapeau brésilien
et un drapeau tibétain.
Il faut dire que pour chaque produit, qu’il s’agisse du thé, du coton ou du sucre, tous biologiques, tout a été fait pour limiter le « sur-packaging ». Et quand cela n’a pas été possible, le produit a été arrêté. Alter Eco a également intégré verticalement le coût de son empreinte environnementale. « On neutralise nos containers, nos billets d’avion, nos trajets commerciaux en France, nos livraisons en magasins, nos cartons d’emballages ».
Derrière ce « jargon », un système simple : chaque entreprise peut calculer ses émissions de carbone qui sont ensuite « reconverties » en nombre d’arbre à planter. Alter Eco a ainsi acheté et planté 10 000 arbres dans la région dévastée par la déforestation du Rondônia, à l’extrémité ouest du Brésil. « C’est un paysage qui fait mal ».
Alter Eco en bref
Métier
Import de produits alimentaires et cosmétiques issus du commerce équitable
Spécificité
garantit aux producteurs du Sud un tarif de vente minimal.
Pourquoi Alter Eco est "Coeur Vert" ?
66% de produits "bio", 33% restants "en transition bio".
Pas de sur-packaging, recyclable
Compense toute émission de C0² liée à l'activité.
Où trouver les produits ?
Vente sur internet : alterecodirect.com
En grandes surfaces
Intégration verticale de l'empreinte environnementale !
Très impressionné par Vananda Shiva, il défend l'idée
que les produits industriels, soi-disant bons marchés, coûtent en
réalité très cher si l'on réintègre les coûts
environnemental et social (c'est ce que l'on appelle le "coût intégral").
Les produits Alter Eco sont donc le meilleur compromis ? "C'est clair
que dans le cadre de la consommation actuelle nos produits ont un impact bien
moins négatifs ".
Fustigeant les orientations de la Recherche vers les produits chimiques ou
le nucléaire, il regrette que l'on ne mette pas plus de moyen dans les
produits alternatifs. "Si on avait consacré seulement 10% du
budget dans les systèmes
alternatifs, on aurait trouvé des choses incroyables ! D'ailleurs grâce
au développement durable on se rend compte que l'on peut faire des systèmes
alternatifs et créer des richesses". Son entreprise en est
d'ailleurs le meilleur exemple.
Tristan Lecomte observe avec un grand intérêt la nouvelle révolution
environnementale que connaissent nos sociétés. « Plus que de décroissance,
je parlerais d’un déplacement vers le tertiaire où l’on enlève de la matérialité pour
ajouter du service ».
Par exemple en « mutualisant » perceuses, tondeuses et voitures que l’on pourrait louer en cas de besoin plutôt que de les acheter. Mais quand on demande à Tristan Lecomte s’il veut être cet entrepreneur qui proposerait de tels services, on retrouve ce pragmatisme dont est empreint sa démarche. « On est une petite boîte, il faut que l’on reste humble car on est dans un secteur très concurrentiel et l’on ne peut pas se permettre de trop s’éparpiller pour l’instant ».
Claire