Aldo Madrid Fierro, 31 ans, directeur de Marine Farms, entreprise aux secteurs d’activités réunis autour d’un point commun : la mer. L’entreprise s’est installée dans un endroit magique à la pointe d’une avancée terrestre dans l’océan pacifique, au centre du Chile, la Punta Curaumilla. (este articulo en castellano)
Savez-vous ce qu’est un ormeau ? Drôle de question pour commencer un portrait Cœur Vert mais derrière ce mot se cache un réel problème écologique… et une solution que nous avons découverte au Chili. L’ormeau (ou « oreille de mer » ou encore « abalone ») est un mollusque marin à coquille unique, muni d'un pied puissamment musclé qui lui permet de se fixer aux rochers. Herbivore, il se nourrit d’algues et vit dans des eaux peu profondes où les vagues oxygènent suffisamment l’eau. Sa coquille ovale (ou en forme d'oreille) est percée d'une rangée de petits trous et tapissée d'une superbe nacre très coloré et irisée, d'un éclat vert, bleu ou rose. C’était aussi pour nous un « baptême » : notre premier entretien uniquement en espagnol, pas mal comme sujet…
Japonais et américains, entre autres, raffolent des ormeaux. Très riches en protéines, ils sont aussi cultivés à des fins médicinales. Sa perle et sa nacre, très recherchées également, sont une des origines de la surexploitation des stocks d’ormeaux. Cet animal a aujourd’hui disparu de certains littoraux et se fait rare à d’autres endroits comme en Bretagne par exemple. Or la demande mondiale est forte et le prix de l’ormeau, apprécié par une clientèle riche, n’a cessé d’augmenter. Des élevages de culture d’ormeaux ont vu le jour un peu partout dans le monde devant la rentabilité d’un tel produit. Le kilo d’ormeaux de culture se vend 23 dollars. Aldo a découvert ce coquillage lors de ses études d’ingénieur dans le secteur de la pêche et il a eu l’idée de créer un élevage d’ormeaux au Chili (pays qui n’a ni colonie d’ormeaux ni de demande pour ce coquillage) afin de les proposer à l’exportation. Mais en écologiste convaincu et souhaitant ne pas reproduire la crise du saumon que traverse actuellement son pays, Aldo a remué ciel et terre pour proposer un modèle altcernatif d’élevage d’ormeaux.
Ne pas faire les mêmes erreurs qu'avec le saumon.
Marine Farms est en effet sur le point de devenir la première
entreprise au monde à produire des
ormeaux « bio ». Aldo a pour cela entamé un
long processus avec l’organisme international de certification
biologique IFOAM. Pour respecter les normes américaines
et japonaises, il a repensé l’élevage d’ormeaux
et a même monté un centre de recherche afin de
trouver des alternatives naturelles. Par exemple, pour que
les larves d’ormeaux résistent aux maladies, Aldo
ne leur donne pas d’antibiotiques (dont l’on retrouve
des traces dans le corps des consommateurs de coquillages)
mais du miel. Il faut également savoir que l'ormeau
est hémophile et que toute blessure peut entraîner
la mort de la larve ou du coquillage.
Le développement d’une
maladie infectieuse au sein d’élevages de saumons au sud du pays
a déstabilisé complètement ce secteur clé de l’économie
chilienne, certains supermarchés américains ayant interdits l’importation
de saumons chiliens. Beaucoup d’analystes et d’ONG dénoncent le modèle d’élevage intensif chilien qui serait à l’origine
de la promulgation d’une telle maladie (il y a 3 fois plus de saumons
cultivés dans une entreprise chilienne que dans une entreprise norvégienne)
et de l’affaiblissement des saumons (en plus de la présence d’hormones
et de d’antibiotiques dangereuse pour la santé humaine).
Or Aldo utilise un concentré à base d’ail pour soigner les coupures. Pour la manipulation et le transport des coquillages, pas d’anesthésiant utilisé mais de l’Eugénol, un produit créé à partir de clous de girofle. S’inspirant des méthodes ancestrales des indiens Mapuche qui ont une grande connaissance de la pêche, son équipe travaille actuellement à remplacer cette épice rare et chère qu’est le clou de girofle par de la cannelle qui se trouve en abondance dans le sud du Chili. En utilisant des produits naturels qui ne nécessitent pas d’importants transports ou transformations,
S'inspirer des méthodes traditionnelles des indiens Mapuche.
Marine Farms protège la santé des consommateurs
et celle de la planète. C’est aussi une façon pour cette
entreprise de rentabiliser son élevage et les investissements qui ont été nécessaires
car le kilo d’ormeaux bio se vends 35 dollars, contre 23 dollars pour une
production « normale ». Les
indiens Mapuches habitent le sud de la région andine. Ils seraient
600 000 au Chili et 200 000 en Argentine.
Mais Aldo ne cherche pas uniquement à produire des ormeaux bio.
Il fait fonctionner son élevage grâce à des énergies
renouvelables pour une production la plus propre possible. « Un
coquillage certifié bio pourrait très bien être produit
dans des bassins utilisant des quantités d’eau de mer récupérée
grâce à une pompe fonctionnant au pétrole » nous
rappelle-t-il. C’est l’un des paradoxes de la protection
de la planète… Pour éviter cela, Aldo a mis en place
un système ingénieux. Les bassins sont oxygénés
et alimentés en eau de mer grâce à un petit jet à la
pression très forte (les bassins se trouvant en bas d’une
colline, la pression de l’eau est obtenue grâce à la
masse de l’eau venue d’en haut). Ce système utilise
très peu d’eau de mer et d’énergie.
MarineFarms en bref
Métier
Production biologique d'abalones.
Spécificité
Seul producteur mondial à être certifié.
Pourquoi MarineFarms est "Coeur Vert" ?.
.
Où la contacter ?
L’ensemble des infrastructures de Marine Farms est alimenté, en partie, grâce à l’énergie produite par les panneaux solaires et les deux éoliennes qu’Aldo a installées sur son site. Cette organisation traduit la volonté de mettre en œuvre deux principes clés du développement durable : l’empreinte écologique et l’écoefficience. Comme il nous l’explique, Aldo souhaite « faire plus avec moins de moyens » (le principe même de l’écoefficience) ce qui l’amène souvent à observer le milieu naturel afin de le reproduire. Il cherche également à réduire au maximum l’impact de son activité sur l’environnement. Pour cela il calcule l’empreinte écologique de son entreprise afin de savoir dans quel secteur il peut l’améliorer. Il cherche notamment à compenser ses émissions de CO2 par des actions positives. Ainsi Aldo a ainsi installé un système de compost à partir des restes d’algues que les ormeaux n’ont pas consommés pour fabriquer du biogaz. Le biogaz est utilisé pour la cuisine de la maison où logent les 8 membres de Marine Farms. Tout est très bien pensé.
L'écoefficience, concept cher à Aldo.
Mais là ne s’arrête pas l’imagination débordante d’Aldo qui a déjà mis en œuvre bien d’autres projets : Marine Farms est désormais exportatrice de langouste, elle propose un sentier scientifique de découverte du milieu marin à des collégiens chiliens. Marine Farms propose aussi des activités « éco-culturelles » aux touristes de passage à Valparaiso : kayak, plongée, escalade et promenades avec une sensibilisation à la faune et à la flore ainsi qu’au patrimoine local. Aldo travaille sur de futurs projets. Son centre de recherche étudie actuellement la possibilité de développer l’élevage d’autres espèces (notamment un « sous produit » d’ormeaux accessible à toutes les bourses).
L’appétit écologique d’Aldo est immense : il est en discussion avec l’Etat chilien afin d’obtenir la concession sur plusieurs années de l’exploitation d’une petite île qui se trouve au large de la pointe Curaumilla. Cette île minuscule, qui se trouve à une centaine de mètres du bord de mer, héberge de nombreux phoques… Il souhaite y développer un tourisme scientifique où des chercheurs du monde entier pourront venir y observer pingouins, oiseaux et mêmes baleines. Alors qu’il semble transformer tout ce qu’il entreprend en or vert, Aldo finit de nous étonner en nous présentant sa toute dernière idée. En effet, il participe à un projet de « véhicules solaires » qui accueilleront les touristes au centre de Valparaiso afin de leur faire visiter cette ville magnifique tout en délivrant un message écologique et culturel. L’imagination et l’énergie débordantes d’Aldo n’en finissent plus de proposer des services écologiques…
1 Le développement d’une maladie infectieuse
au sein d’élevages de saumons au sud du pays
a déstabilisé complètement ce secteur
clé de l’économie chilienne, certains
supermarchés américains ayant interdits l’importation
de saumons chiliens. Beaucoup d’analystes et d’ONG
dénoncent le modèle d’élevage
intensif chilien qui serait à l’origine de la
promulgation d’une telle maladie (il y a 3 fois plus
de saumons cultivés dans une entreprise chilienne
que dans une entreprise norvégienne) et de l’affaiblissement
des saumons (en plus de la présence d’hormones
et de d’antibiotiques dangereuse pour la santé humaine).
2 Les indiens Mapuches habitent le sud de la région andine. Ils
seraient 600 000 au Chili et 200 000 en Argentine
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