Liliane Fréchet, Française. Experte de l'île de Pâques, elle oeuvre chaque jour pour protéger et promouvoir le patrimoine culturel et naturel de cette île envoûtante.
La protection de l’environnement et celle du patrimoine culturel sont des thématiques liées. L’île de Pâques, « un musée en plein air » d’après Liliane Fréchet, en est un exemple parfait. L’impact du tourisme et la méconnaissance des cultures anciennes menacent le patrimoine de l’île.
Après avoir travaillé pendant des années dans différentes ambassades françaises à travers le monde, Liliane Fréchet, surnommée Lili, est venue s’installer sur l’île de Pâques en 1984 après avoir rencontré son mari, Tadeo Teao Hereveri, l’un des derniers pascuans non métissés de l’île. Ensemble ils décident d’ouvrir une pension d’une douzaine de chambres. Les débuts sont difficiles et le couple doit faire attention à chaque dépense. Lili a alors l’idée d’unir ses deux passions, l’Histoire et l’île de Pâques, en proposant « d’expliquer » l’île à ses clients. Nous sommes en 1985. Depuis, Lili, consacrée « meilleure guide de l’île » par le parc national qui a la gestion de l’île de Pâques, est devenue le porte-drapeau de la préservation de l’île.
Mariée à l'un des derniers pascuans non métissé !
Elle explique son « succès » par
plusieurs raisons. Tout d’abord elle est tombée
amoureuse de cette île et chaque semaine « va
sur le terrain » avec ses touristes. Elle a également
eu la chance d’épouser le fils aîné d’une
famille noble d’ascendance royale, « celui
qui détient le pouvoir ». En vivant au
quotidien avec lui depuis plus de 25 ans, elle a beaucoup
appris sur la culture des pascuans. De plus, Lili a cherché dès
son arrivée en 1984 à s’informer. Son
mari l’a alors introduite auprès des anciens
qui connaissent la tradition orale de leur peuple. Elle a également
consulté tous les ouvrages, ou presque, sur l’île
de Pâques et la Polynésie. Elle rencontre dès
qu’elle le peut les historiens et archéologues
qui se rendent sur l’île pour faire des recherches.
Enfin, elle « a eu la chance de voir autre chose
que son pays avant de venir ici », ayant
vécu 7 ans au Laos, 5 ans au Maroc et 6 ans au Brésil.
Elle connaît ainsi des civilisations très différentes
et peut mieux comprendre les spécificités de
la culture pascuane.
Toutes ces connaissances font de Lili l’une des références
en la matière et elle est souvent sollicitée
pour des émissions telles que « Allo la planète ? », « Ushuaïa »,
ou par Yann Artus Bertrand venu faire des reportages sur l’île.
Si elle a déjà écrit un ouvrage sur les
femmes pascuanes, elle n’a pas le temps d’écrire
un livre sur l’histoire de l’île de Pâques,
préférant se consacrer aux deux visites guidées
hebdomadaires qu’elle organise. Pendant une journée,
Lili amène les touristes sur les lieux clés de
l’île, évitant les tours operators et le
tourisme de masse. Elle explique à la fois la faune,
la flore de l’île, la construction des Moaïs ou
encore le culte de l’Homme-oiseau (voir les articles « La
véritable histoire de l’île de Pâques » et « L’île
de Pâques, un exemple écologique ? »).
A 66 ans, Lili a gagné l’estime de ses collègues, des guides pascuans, qui l’appellent « tante » et continue à exercer son métier de guide tant que, nous explique-t-elle, les gens montrent de l’intérêt. « C’est ça qui me motive ». Mais surtout Lili est très impliquée dans la protection du patrimoine de l’île de Pâques.
Protéger le patrimoine culturel et lié aux questions environnementales.
En 1998, elle a créé la première
association de guides de l’île. Tous ont mis
en commun leur savoir et ils se sont mis d’accord
sur une charte à respecter lors des visites. Ils
sont actuellement 12 guides certifiés. Cette association
a également exigé que chaque scientifique
qui vient travailler sur l’île fasse un compte-rendu
de ses recherches afin de les tenir informés. Enfin
elle travaille à ce que des pièces de la
culture pascuane, exposées dans des musées
du monde entier (comme au Musée du Quai Branly à Paris
ou au Musée des Augustins à Toulouse), soient
rendues au musée de l’île de Pâques.
Cette association est la première réponse à l’augmentation
rapide du tourisme sur l’île de Pâques.
En 1967, la compagnie aérienne Lan Chile ouvre sa
première ligne quotidienne entre Santiago et l’île
de Pâques.
Le film de Kevin Cosner, « Rapa Nui », en 1995 médiatise
l’île. Depuis, le tourisme a augmenté régulièrement
avant d’atteindre un pic en 2007. Il y a eu 70 000 visiteurs sur
l’île de Pâques pour 4 000 habitants !
Cette explosion du tourisme inquiète beaucoup Lili car les statues
de l’île sont peu protégées or elles sont très
fragiles. Si l’impact du tourisme sur l’environnement et le patrimoine
est connu dans le cas du Machu Pichu ou des pyramides égyptiennes, l’île
de Pâques est elle aussi très exposée à ces dangers.
Lili en bref
Métier
Guide
Spécificité
Elle est une véritable encyclopédie de l'île.
Pourquoi Lili est "Coeur Vert" ?.
Son action quotidienne est orientée vers la protection et la promotion des patrimoines de l'île de Pâques. Ce musée en plein air est menacé par le tourisme en particulier.
Où la contacter ?
Les statues sont composées d’un conglomérat de sable,
de cendre et de roche volcanique très sensible à l’humidité.
Si on touche ces statues, l’humidité contenue dans les mains va
les fragiliser et provoquer le développement de lichens. Pour cette
raison, le parc national, aidé de l’association, a mis en place
de nombreuses règles à l’intention des touristes. Il est
entre autre interdit de toucher les statues, de monter sur les plateformes
funéraires et de marcher en dehors des chemines banalisés.
Lili nous raconte que l’association avait demandé à Lan
Chile de diffuser à ses passagers un court documentaire afin de les
informer des règles à respecter mais la compagnie aérienne
a refusé sans explications. Aussi, beaucoup de touristes se promènent
seuls, sans guide, et ne sont pas au courant de ces règles. En effet
l’île, ce « musée ouvert », n’a
installé aucune protection autour des statues. C’est très
agréable de se promener parmi ces statues qui sont dans leur environnement
naturel, mais l’inconscience (ou l’ignorance ?) des touristes
menace cette liberté.
Parrainer une statue ?
L’île possède peu de moyens et a du mal à entretenir
et restaurer son patrimoine. Les statues sont vite recouvertes de lichen et
sont sensibles aux intempéries. Pourtant, restaurer une statue ne coûte
que 10 000 à 15 000€. Lili souhaiterait qu’un droit
d’entrée sur le parc soit exigé dès l’aéroport.
A l’instar de ce qui est fait pour l’île des Galápagos, « un
modèle » d’après elle. Cela permettrait d’informer
dès leur arrivée les passagers et l’argent prélevé permettrait
de restaurer les statues. Mais l’administration du gouvernement chilien
s’y est opposée catégoriquement…
L’association des guides, Lili à sa tête, réfléchit
actuellement à d’autres moyens d’obtenir de l’argent
pour préserver les statues tout en préservant le cadre naturel
qui est le leur. Elle songe actuellement à un « parrainage » de
statue, comme cela a été fait pour des pandas via WWF par exemple :
plusieurs personnes pourraient parrainer la restauration d’une statue
en versant simplement quelques dizaines d’euros. Si peu, et pourtant
tellement.
Pendant notre séjour, un jeune finlandais éméché a souhaité ramener un souvenir de l’île et a « décroché » une oreille de l’un des plus beaux Moais. Pris sur le fait, il a écopé d’une amende de 7 millions de pesos soit 10 000 euros. La reconstruction de l’oreille coûtera, elle, 15 000 euros environ. Une telle destruction a provoqué un vif émoi sur l’île et le parc national en charge de la protection de ces sites a renforcé la présence de gardiens et a mis en place de nouveaux panneaux indiquant les consignes que chaque touriste doit respecter. Ce fait divers illustre combien il est important de sensibiliser les touristes à la protection du patrimoine, sensibilisation qui s’inscrit dans le cadre plus général de la protection de l’environnement.
Pour ceux qui souhaitent en savoir plus sur l’île de Pâques, vous pouvez lire :
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