Fabien Bronès, 44 ans, Français. L'une des premières entreprises brésiliennes de produirs de grande consommation, Natura, tire de la forêt amazonienne des produits de beauté et agit fortement pour l'environnement.
Fabien Bronès, 44ans, travaille au département développement durable de Natura, leader des cosmétiques au Brésil, avec un fort engagement de longue date pour le développement durable. Mais comment associer croissance économique et réelle prise en compte de la protection de l’environnement au sein d’une très grosse entreprise ? Les entreprises de cosmétiques ne sont pas toujours respectueuses de la protection de l’environnement, pourquoi Natura est-elle différente ? Fabien a répondu à nos questions en prenant le temps de nous faire visiter de façon très transparente le site de production de Cajamar et de discuter longuement avec nous.
Luiz Seabra, un jeune économiste brésilien, a deux passions, les cosmétiques et les relations humaines. En 1969, il ouvre un petit bureau au cœur de Sao Paulo qui lui permet d’expliquer à ses clientes le bienfait des produits naturels qu’il fabrique. Natura est née. En 1974 il s’oriente vers la vente directe : des « conseillères » sont formées et vendent ensuite à leur réseau les produits Natura, moyennant une commission sur les ventes. Une façon originale de fonctionner (Natura n’a pas de magasins, sauf une exception en plein cœur de Paris…) qui lui permet aujourd’hui de s’assurer d’un réseau durable de clients (les premiers acheteurs étant les conseillères elles-mêmes) et d’un réseau de vente indirecte de 700 000 personnes à travers toute l’Amérique latine (dont 90% au Brésil), et plus de 500 conseillères en France. (au bout d'un an et demi).
Le succès de Natura dans les années 1970-1980 s’explique surtout par le slogan : « Bem estar bem », le bien être bien. Le bien-être est au cœur de l’entreprise, qui toutefois ne s’est jamais éloignée des valeurs du développement durable, comme le montre son nom (alors que nous sommes en 1969 et que très peu d’entreprises, surtout au Brésil, communiquent sur la nature et l’environnement).
Réduire, l’étape clé pour protéger l’environnement
Ce n’est pourtant qu’en 2000 que Natura se lance réellement dans l’aventure du développement durable. Avec 600 produits et le plus grand entrepôt d’Amérique latine, elle est la première entreprise de cosmétiques du Brésil et se développe à l’étranger. Elle se donne alors les moyens de développer une politique concrète de développement durable, recherchant l’innovation. D’une part, un site de production est créé à une trentaine de kilomètres de Sao Paulo. Les principes du développement durable sont une réalité sur ce site à la pointe des avancées sociales (multitude de services pour ses employés pour un prix dérisoire, et proportionnel au salaire reçu …) et environnementales (retraitement des eaux usagées, panneaux solaires pour l’éclairage des parkings et de l'eau chaude, etc.). D’autre part, un département autonome de développement durable de 25 personnes a été mis en place, dépendant directement du PDG.
Fabien Bronès y est le « responsable de l’impact environnemental ». Ingénieur agronome de formation, il a travaillé pendant 18 ans dans le secteur de l’agroalimentaire, notamment pour Danone Brésil, avant de rentrer en France où il a décidé de se faire un master en développement durable. Quatre ans plus tard, et un passage dans un cabinet de consultants en développement durable, Fabien est de retour au Brésil, intégrant cette fois l’une des plus grandes entreprises brésiliennes. Il ne cache pas son bonheur « d’être dans une entreprise avec de vraies valeurs environnementales ». Sa principale mission est, avec son équipe de 4 personnes, l'évaluation et la gestion environnementale du cycle de vie des produits et activités de Natura, en s'appuyant sur des méthodes comme l'ACV (Analyse du Cycle de Vie) et l'Inventaire Carbone. Derrière « ACV » se cache un principe très simple : la prise en compte du produit dans toutes les étapes de sa vie, de l’extraction de la matière première
jusqu’à la destruction ou le recyclage du produit fini. Pour chaque étape, Fabien évalue l’impact environnemental d’un produit puis il cherche en priorité à le réduire et enfin à le compenser. Evaluation, réduction et compensation, les 3 clés de son engagement quotidien.
Intéressement financier de tous les employés en fonction des progrès environnementaux !
Prenons un exemple simple sur lequel Natura a fait beaucoup d’efforts : les emballages. Suite à une analyse détaillée, l’entreprise a réalisé que les emballages étaient l’un des postes de pollution les plus importants. Pour chaque produit, elle a donné des objectifs de réduction d’emballages à ses chefs d’unités, et chaque employé voit sa participation au résultat calculée en fonction de la réduction de l’impact environnemental des emballages. Une telle démarche, dans une entreprise aussi importante que Natura, est novatrice et séduisante.
Ensuite, pour les emballages impossibles à réduire,
Natura « compense » les émissions
de carbone dont elle est responsable. Le principe de la compensation
est très simple et connu : en se basant sur le
cours du carbone, Natura convertit sa « pollution
non réductible » en monnaie trébuchante
pour des associations qui oeuvrent pour la protection de
l’environnement. Ainsi en 2007, Natura a évalué que
son entreprise était à l’origine de l’émission
de 184 000 tonnes de CO² équivelant, mais elle
en a compensé 224 000 tonnes. Le cours du crédit carbone
volontaire étant évalué entre5
et 20 € la tonne, Natura a investit autour de 5 millions
de réals, soit plus de 2 millions d’euros dans
cinq projets que Fabien et son équipe
ont choisis avec grand soin (et qu’il continue de suivre
de très près). C’est là une des
originalités de l’action de Fabien : compenser
certes, mais aller plus loin en s’impliquant concrètement
dans les actions soutenues. Pour 2008, il s’agit de
deux associations qui replantent des forêts natives à la
périphérie l’Amazonie et de trois ONG
qui oeuvrent pour l’efficacité énergétique.
Natura veut réduire ses émissions de 33 % d’ici à 5
ans (de 2006 à 2007 la réduction est de 7%). Cet objectif
est ambitieux « car il fixe un délai court, ce qui
n’est pas toujours le cas pour une grande entreprise » nous
explique Fabien. Natura est déjà carbone neutre et vise à devenir « une
entreprise carbone zéro »,en réduisant ses émissions
à la source plutôt qu’en compensant. C’est le « rêve » de
Fabien.
Natura en bref
Métier
Produits cosmétiques.
Spécificité
Entreprise brésilienne, présente dans la plupart des pays d'Amérique Latine et en France, qui valorise la biodiversité du Brésil.
Pourquoi Natura est "Coeur Vert" ?.
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Où la contacter ?
Vous pouvez également retrouver en France les produits Natura
Parallèlement à ce travail de fond, Natura a lancé en 2000 une ligne de cosmétiques élaborée à partir de la biodiversité brésilienne, Ekos. Natura veut valoriser la biodiversité de l’Amazonie, et s’assurer que l’extraction des matières premières respecte l’environnement. Fabien ne nous parle pas cependant que d’environnement mais aussi d’avancées sociales. Natura veut « permettre à de petites communautés de vivre de leur culture, à leur échelle » et les aider à se développer, notamment en diversifiant leurs productions, sans pour autant exiger un contrat d’exclusivité. Natura a en effet conscience qu’il existe un important « turn-over » de leurs produits qui ne restent que peu de temps dans le catalogue (200 nouveaux produits en 2007) et ne veut pas que ces communautés soient rendues dépendantes.
Société pionière qui joue un rôle important pour la sensibilisation.
Dès 1993, Natura a été l’une des premières entreprises de cosmétiques à créer des « recharges » pour ses produits : elles utilisent moins de matières et d’énergie que les emballages d’origine. Les recharges rendant aussi le produit nettement moins cher, elles ont connu un très grand succès. Natura ne se cache pas d’être avant tout une entreprise de cosmétiques, et donc d’en avoir certains défauts (certaines matières comme le pétrole sont quasiment inévitables pour obtenir les produits les plus recherchés sur le marché). Cependant la politique actuelle de Natura tend vers la « végétalisation » de ses produits en réduisant les matières minérales (dont le pétrole) et animales (qu’elle a complètement supprimées). Actuellement ses produits sont composés à 78% de matières végétales.Enfin, Natura a récemment pris le « risque » d’utiliser, dans tous ses produits, un alcool de sucre de canne bio (sachant que ses produits phares sont les parfums). Le risque est économique, en effet l’alcool est l’une des principales matières premières, et le coût a fortement augmenté. Mais cela a permis à l’entreprise de réduire de 50 % leurs émissions de carbone à ce niveau-là ! Finalement cela fait aussi une économie sur la compensation. Tout le monde y gagne.
Si l’on analyse le cycle de vie, un autre volet clé de l’action de Natura pour l’environnement concerne « l’aval » de la production. En formant ses conseillères aux enjeux du développement durable, Natura s’assure de véhiculer une image de marque en accord avec ses valeurs environnementales. C’est aussi et surtout une façon se sensibiliser ses clientes. Pour cela, Natura est sur le point de mettre en placea mis en place en 2007 un « tableau environnemental » qui, avec 6 indicateurs, indique combien d’émissions carbone et d’emballages ont été nécessaires pour fabriquer le produit. Fabien ne compte surtout pas s’arrêter là, il planche sur le bout de son cycle de vie : la fin de vie des produits Natura. Son idée ? Demander aux clientes de ramener les produits usagés aux conseillères pour que Natura puisse les collecter et les transporter à un centre de recyclage. Ce projet s’annonce néanmoins très délicat, le Brésil n’ayant pas d’infrastructures en matière de recyclage et de nombreuses questions juridiques et économiques restent encore en suspens. Fabien pense donc créer des centres de recyclages un peu partout au Brésil…
Récemment l’ONG française Utopies a élaboré un classement des entreprises internationales réellement impliquées dans une politique de développement durable. Parmi les pionnières, trois sont citées. Nous ne sommes pas étonnés d’y voir figurer Natura. C’est en effet, d’après nous, le défi qu’a réussi à relever Natura : être l’une des premières entreprises brésiliennes à se consacrer au développement durable. Résultats efficaces, innovations constantes, implications dans la société brésilienne, actions sociales... « Le bien être bien » pour la planète aussi…
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